Communiqué du Président de la République aux gendarmes nationaux
En ce moment de deuil, je tiens à exprimer la tristesse partagée de la Nation face à la perte du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui était votre collègue et pour certains votre ami.
En se substituant volontairement au dernier otage du terroriste, il a choisi de sauver des vies au péril de la sienne. C’est un acte héroïque qui dépasse toutes les missions qui lui étaient confiées et qui bouleverse les Français.
Malgré l’effroi d’une nouvelle attaque terroriste sur notre sol, sa bravoure honore le pays et la gendarmerie nationale. Les Français sont saisis de respect et d’admiration face à son abnégation et son sacrifice.
Son courage exceptionnel nous a rappelé à tous la valeur de l’engagement des forces de l’ordre et des forces de sécurité pour assurer quotidiennement la protection et la défense de la population. Depuis vendredi, des français de tous âges et de tous horizons expriment en masse leur reconnaissance à l’égard des services de l’ordre et leur confiance dans l’accomplissement des missions qu’ils portent si haut.
Par ce message que je transmets au général Lizurey pour vous, c’est cette gratitude et cette confiance dont je voulais vous assurer au nom de la République et de tous les français.
Vive la République,
Vive
la France !
Message personnel du Général d'armée Richard LIZUREY, directeur général de la gendarmerie nationale
Le
lieutenant-colonel Arnaud Beltrame nous a quitté à l'aube, ce matin.
Mes pensées vont, en cet instant, à son épouse, Marielle, ses parents et sa
famille. Elles vont aussi à ses camarades du groupement de l'Aude, de la région
Languedoc-Roussillon et tous ceux qui avaient eu l'honneur de servir à ses
côtés au cours de sa riche et brillante carrière. Elles vont enfin aux
militaires engagés dans cette opération et à leur famille. Je leur adresse mon
soutien tout particulier, en ces heures douloureuses.
Né le 18 avril 1973 à Etampes (91), le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a servi
la France pendant plus de 22 ans.
Appelé à l'activité le 1er novembre 1995 en qualité d'officier de réserve au
sein de l'école d'application de l'Artillerie à Draguignan (83), il se classe
parmi les meilleurs de sa promotion à sa sortie, en mars 1996. Nommé aspirant,
il commande d'abord une section d'artilleurs parachutistes au 35ème régiment
d'artillerie parachutiste de Tarbes (65), avant de rejoindre le 8ème régiment
d'artillerie, à Commercy (55) où il prend la tête d'une section d'observation
dans la profondeur en qualité d'officier de réserve en situation d'activité.
Résolument engagé dans l'action, apprécié de ses chefs et de ses subordonnés,
il est admis sur concours à l'école militaire interarmes de Coetquidan (56) en
1999 et sort major de la promotion "Campagne d'Italie" en 2001. Il
fait preuve d’appréciations particulièrement élogieuses au terme d’une
scolarité brillante : « Courageux, il se bat jusqu’au bout et
n’abandonne jamais » . Ses cadres soulignent son « esprit
résolument offensif face à l’adversité ». Il choisit alors de servir en
gendarmerie, où il termine, une fois de plus, major de la promotion
"capitaine Gauvenet", en 2002.
Constant dans son goût de l'effort, il rejoint le Groupement blindé de
gendarmerie mobile à Versailles (78) où il commande un peloton de VBRG à
l'escadron 16/1 et prépare activement les tests d'entrée du GSIGN (GIGN
actuel). Energique et doté d'un important potentiel physique et mental, il
réussit en 2003 les difficiles tests d'entrée de l'escadron parachutiste d'intervention
de la gendarmerie nationale. Il fait ainsi partie des quelques militaires
retenus parmi les 80 candidats de la session.
Chuteur opérationnel, il assume les responsabilités d'adjoint au commandant de
l'Escadron Parachutiste d'Intervention de la Gendarmerie Nationale. Il
participe à de nombreuses missions sur le territoire national et à l'étranger.
Il est notamment engagé en Irak comme chef du détachement gendarmerie en 2005,
dans des conditions particulièrement dégradées en termes de sécurité. Il
conduit ainsi, au péril de sa vie, une mission complexe de récupération d'un
ressortissant français menacé par un groupe terroriste, qui lui vaut
d’être décoré de la croix de la valeur militaire avec citation à l’ordre de la
brigade.
En 2006, il rejoint la Garde républicaine en qualité de commandant de la
compagnie de sécurité et d'honneur du 1er régiment d'infanterie à Nanterre
(92). Il met au service de la sécurité du Palais de l’Elysée ses grandes
compétences en matière de sécurité-protection et veille, par un engagement
soutenu, à maintenir son unité à un haut niveau d’excellence. Il se distingue à
de nombreuses reprises qui lui valent d'être récompensé par le commandant du
régiment et le directeur général de la gendarmerie.
Le 1er août 2010, il est nommé à la tête de la compagnie de gendarmerie
départementale d'Avranches (50). Il y réussit de manière remarquable. A la tête
de 155 gendarmes, il commande efficacement le service de ses unités et s'engage
personnellement pour combattre les phénomènes de délinquance ou organiser la
préparation de grands événements, tel que le 100ème tour de France. Homme de
terrain, il manifeste une grande disponibilité et se distingue par son autorité
naturelle et son implication sans faille. Il reçoit à ce titre un témoignage de
satisfaction du commandant de région.
Son excellente manière de servir, l'impression très favorable qu'il inspire et
son MBA en Intelligence économique de l'ISC Paris lui valent dêtre retenu, en
2014, pour servir au ministère de l'Ecologie, du développement durable et de
l'énergie comme conseiller auprès du secrétaire général. Référent en matière
d'intelligence économique, il évolue avec beaucoup d’aisance dans un
environnement interministériel de haut niveau, mettant en évidence ses belles qualités
relationnelles et intellectuelles.
Nommé à l'été 2017 en qualité d'officier adjoint au commandant du groupement de
gendarmerie départementale de l’Aude à Carcassonne (11), Il s’impose très
rapidement comme un collaborateur précieux de son commandant de groupement,
s’impliquant spécialement dans le développement de la capacité de
contre-terrorisme des unités de gendarmerie de l’Aude, dans une excellente
synergie inter-services.
Le 23 mars 2018, parmi les premiers engagés sur une prise d'otage dans le Super
U de Trèbes (11), n'écoutant que son courage, il n'hésite pas à se livrer au
terroriste en échange de la vie d'une jeune femme. Il est abattu quelques
heures après, avant que ses camarades ne donnent l'assaut pour neutraliser le
terroriste. Il décède des suites de ses blessures le 24 mars 2018.
Décoré de la Médaille d'or de la défense nationale en 2009, il était par
ailleurs titulaire de la médaille d'Honneur des Affaires Etrangères – Argent
depuis 2006. Le lieutenant-colonel Beltrame s'était vu decerner en 2007 une
citation à l'ordre de la brigade comportant l'attribution de la croix de la
valeur militaire suite à son engagement en Irak. Il était chevalier de l'Ordre
National du Mérite depuis 2012.
Agé de 44 ans, le lieutenant-colonel Beltrame était marié, sans enfant. Il est
mort en service commandé, dans l'accomplissement de sa mission au service de la
France.
Par son geste héroïque et son sacrifice, en toute connaissance du danger auquel
il s'exposait, il est allé au bout de son engagement de soldat et de gendarme.
Au nom de la Gendarmerie et mon nom personnel, je lui exprime toute notre
reconnaissance et notre admiration. Son sacrifice nous rappelle la valeur de
l'engagement qui est le nôtre au quotidien, pour protéger la population.